(Libre) Je suis "enfin" arrivée... (fermer)

Déjà, en me levant, je me doutais bien que cela ne serait pas du tout ma meilleure journée. Alors, je décidai de rester là, à flemmarder dans mon grand lit bien confortablement, dans la pénombre. Bien étendue sous ma grosse douillette chaude, j'étais sur le point de m'endormir à nouveau, quand on toqua quatre petits coups rapides à ma porte. Je reconnaîtrais toujours cette manière de frapper qu'avait notre chère Clémence, l'une des femmes de ménage, celle qui s'occupait le plus de moi. Cette vieille dame, bien que dans les quatre-vingts ans, était probablement la seule qui avait mon respect, bien que ce soit elle qui ait proposé à mes parents de m'envoyer à Black Rose... Comme réponse à ses petits coups, je lâchai un grand soupir, échappant un grognement de mécontentement au même moment. M'entendant clairement de son oreille fine poser contre ma porte, elle se permit d'entrer. Ouvrant doucement la porte, Clémence entra dans ma chambre. Son vieux corps semblait tout frêle, comme s'il allait se briser à chacun de ses pas. La couverture par-dessus mon nez, je la regardai marcher jusqu'à la fenêtre afin d'ouvrir les rideaux. D'un coup énergique de ses bras, elle fit ouvrir les rideaux en moins d'une seconde. Il faut dire que malgré son apparence si fragile Clémence était très vivante et énergique. Malgré cela, ce matin, elle semblait plutôt triste, son sourire n'était pas aussi rayonnant qu'à l'habitude. Elle alla poser deux serviettes blanches dans ma salle de bain, puis elle vint à côté de mon lit. Je sais, aujourd'hui c'est ma dernière journée dans cette magnifique demeure qu'est ma maison et cela veut certainement dire que c'est la dernière fois que je verrais Clémence avant un très bon moment. Étais-ce pour cela que son sourire me semblait si fade ce matin ? Pour combler le tout, il fallait qu'aujourd'hui soit la journée de mon anniversaire... Je suis encore dans mon lit et je trouve déjà cette journée merdique, je n’ose même pas ce que va être le reste de ma journée. Clémence, toujours au côté de mon lit, me regardait avec cette même tendresse qu'elle avait portée sur moi depuis ma naissance. Même si je ne le démontrais pas, ce regard était pour moi un réconfort. Sans attendre une seconde de plus, elle fit bouger ses petites lèvres fripées pour me lancer un « Joyeuse anniversaire mademoiselle Lacey ». Elle dit cela toute en me souriant davantage. Je la regardais et hochai la tête avec un léger redressement du coin de mes lèvres pour la remercier, un très léger sourire à peine visible. Ensuite, pour cacher une petite parcelle de tristesse qui, malgré elle, était tout de même visible, elle changea rapidement de sujet en se dirigeant vers la porte de ma chambre.

-Préparez-vous Lacey, l'avion ne vous attendra pas toute la journée !

Elle avait dit cela sérieusement, mais avec un petit ton un peu enjoué. Elle ouvrit la porte et me lança un dernier regard d'encouragement avant de refermer la porte derrière elle.


Me préparer se fit rapidement. Une bonne douche en premier, après quoi je me séchai les cheveux et je m'habillai. Bien sûr, étant ma première journée, j'optai pour ma courte robe noire favorite à bretelle fine avec laquelle je décidai de porter mes longs bas de ficelles croisées et une paire de longs gants noirs que Clémence m'avait donnés Noël Passé. Pour finir avec un peu de style, je mis des petites bottes de cuir noir montant jusqu'à mes chevilles, à tallons fins et j'optai pour quelque parure de grande valeur. Ce matin, c'est aussi Clémence qui me coiffa sans que je lui demande quoi que ce soit. Elle laissa mes cheveux détachés, mais elle y accrocha une petite couronne très légère avec une fine crinoline noire. Le résultat était très joli, j'adorais cela. Une fois toute préparée, j'allai déjeuner et me brosser les dents. Mes valises étaient déjà tous faites. Je n'avais pas du tout qu'une seule valise, car j'emportais tout ce que j'avais et des choses, j'en ai beaucoup! Ma famille et moi prîmes deux voitures pour aller à l'aéroport. Une pour nous et une pour les valises. En tout, j'avais trois grosses valises de voyage à roulette, un grand sac à dos remplis, prêt à exploser et mon sac à main. C'était surtout mes vêtements qui prenaient de la place, ayant une très vaste garde-robe.


Mes au revoir avaient été faits rapidement. Je pensais surtout à Clémence qui avait versé quelque larme à cause de mon départ. Je lui écrirais surement des lettres afin de lui donner de mes nouvelles, afin qu'elle ne s'inquiète pas trop. Le trajet en avion fût agréable et court, sans tracas, mais le trajet jusqu'au fameux pensionnat fût pénible, surtout en portant autant de bagages, ce qui était très encombrant. Pour donner une idée, j'étais arrivée à l'aéroport le midi et je finis par arriver en avant du pensionnat en fin d'après-midi. Mes parents avaient décidé que je devais me débrouiller seule une fois dans l'avion, alors c'est en taxi que j'arrivai au pensionnat, avec un chauffeur bavard comme dix. Moi qui ne parle jamais, il avait parlé seul tout le trajet le pauvre monsieur... Bien, aujourd'hui c'est ma fête, ma famille me déteste et m'envoie dans un pensionnat, Clémence n'est plus là, je suis dans un taxi avec un homme énervant et dont l'accent britannique me brisait les tympans. Mais, heureusement, on arriva finalement à Black Rose! Après avoir payé l'homme et pris toutes mes valises et sacs de manière à pouvoir bien marcher, je marchai jusqu'aux portes de l'entrée. Puis, comme si ma journée n'était pas assez difficile comme ça, il y avait de belles marches devant moi. Surprise ! Bon, il n'en avait pas beaucoup, mais quand même. Monter en tallons aiguilles avec autant de bagages ne seraient pas une chose facile, mais je réussis tout de même, sous le regard de certains élèves présents non loin de moi. J'entrai donc, enfin, dans la bâtisse et me faufilai avec mes choses entre quelques élèves, afin de trouver l'endroit où je pourrais annoncer mon arrivée. Ouais, mais en fait je ne savais pas trop où m'orienter... Je devrais peut-être demander à quelqu'un où je devais aller, bien que je déteste parler aux gens, surtout des inconnus. Mais bon, je lâchai la poignée d'une de mes valises et tapai du bout du doigt l'épaule d'une personne qui se trouvait dos à moi. En même temps, je m'exprimai d'un simple «Hey!», afin de montrer comme il se doit que je voulais demander quelque chose et non simplement niaiser en tapant les gens de cette manière.

Personnellement, je n’avais pas du tout envie de m’éterniser dans une arrivée qui, je dois dire, étais très peu agréable. Oui, j’aime l’action et tout cela, mais j’aimerais au moins avoir le temps de m’installer avant de commencer à faire ma place ici, ce n’est pas trop demandé. Puis le fait d’avoir perdu ma chère Clémence de vue m’avait assez démoralisé aujourd’hui. Après avoir regardé un peu la personne qui se trouvait devant moi, déjà je pouvais dire que j’aimais beaucoup sa manière de s’habiller. Cet homme, bien que j’aie mes bottillons à tallons aiguilles, était plus grand que moi. Cependant, ce qui attira surtout mon attention, c’est la canne qu’il tenait dans sa main. Pas une canne de vieillard, mais plutôt dans le même genre que les cannes pour aveugles. Les aveugles, il y avaient tant de bonnes blagues à leur faire… Mais bon, je ferais mieux de me concentrer sur mon arrivée en premier lieu. Après avoir installé mes choses dans ma chambre et avoir tout mis en ordre, je pourrais m'attaquer à mes plans afin de mettre un peu d'action ici. Le jeune homme, semblant avoir dans les environs de mon âge, semblait essayer de se cacher, à moins qu'il soit simplement pressé de trouver un certain endroit. Franchement, avais-je fait le bon choix de m'adresser à cette personne aveugle? Comment allait-il pouvoir m'orienter ici, si lui-même n'a pratiquement jamais vu les lieux? J'aurais peut-être mieux fait d'essayer de me débrouiller seule. Sans vraiment me faire attendre, l'aveugle s'adressa à moi.

« Salut, moi c'est Erik et toi c'est comment? », fût la première phrase qui m'était adressée depuis mon arrivée ici et déjà l'inconnu ne semblait pas connaître toutes les bonnes manières. J'avais peut-être été élevé strictement, mais tout le monde avait toujours eu la politesse de me vouvoyer et de vouvoyer mes parents. Même les femmes de ménage étaient vouvoyées. En fait, je n'avais même jamais tutoyé quelqu'un de toute mon enfance.
Malgré le fait que j'ai pu avoir changé, ma manière de parler avait toujours été la même. Certaines habitudes ne se perdront jamais.

-Bonjour, moi c'est Lacey. Dites-moi, je viens d'arriver, pourriez-vous me dire où je dois aller pour annoncer mon arrivée?

Il ne pouvait pas me voir, mais bien que j'aie dit cela sur un ton affirmé en prononçant très bien tous les mots, sans sauter de cyclables, j'avais pris mon regard hautain. Je me doutais un peu que même en lui demandant cette information il ne pourrait pas me répondre étant donné qu'il ne devait même pas savoir ou il était en ce moment même. Pour ma part, je me suis toujours dit que les aveugles devraient être accompagnés ou bien rester enfermé dans leur maison, sauf si ce n'est que pour mon plaisir. Malgré cela, je repris la poignée de la valise que j'avais lâchée en attendant de voir s'il pourrait un peu m'aider à me situer ou, au moins, me dire à qui je devrais aller parler afin d'avoir les informations dont j'avais besoin afin de m'installer ici une fois pour toutes.

Il était assez facile de remarquer son changement d'expression à mon parler. Sois à cause de ma manière de bien prononcer avec soin ou simplement à cause du vouvoiement. Se devaient bien être les seules choses qui auraient pu le surprendre en fait... Je lâchai de nouveau ma valise avant de remonter la ceinture de mon sac à main, avant d'agripper ma valise à nouveau. Je ne voulais pas me la faire prendre, surtout que la plupart des choses à l'intérieur valaient assez chères. Et puis, bon, après avoir fait sa petite moue, il osa me répondre. Il ne me donna pas une réponse fixe, mais plutôt vague, car même lui ne semblait pas certain d'où je devais aller. Bien sûr, je m'en doutais beaucoup.

Après cela, il mit ses mains derrière son dos et se mit à se balancer tel un enfant timide. J'écarquillai les yeux à sa vue. Étais-ce vraiment une manière de se tenir devant une personne? Ce jeune homme au comportement que je trouvais enfantin ne devait pas avoir eu une bonne éducation au niveau du comportement et des bonnes manières. Moi, je gardais le dos bien droit et la tête haute. Même avec des valises, je savais me tenir et même s'il était dépourvu du sens de la vue, je ne faisais pas d'exception. Bien que j'aime de bagarrer et créer de l'action, moi, je savais bien paraître et faire preuve de savoir-vivre. Tout en continuant de se balancer sur ses jambes de cette manière, il offrit de m'accompagner jusqu'à ce bureau du principal. Je ne répondis pas immédiatement, pensant à son offre. Il a beau être aveugle, il doit surement savoir se diriger quand même, puis si je vois qu'il a l'air plutôt perdu pendant le chemin, je n'aurais qu'à partir et le laisser continuer seul. À la pensée de laisser le non-voyant seul, croyant que j'étais toujours là me fit sourire. Le voir parler tout seul, expliquant certaines choses ou posant des questions auxquelles je le laisserais sans réponse seraient amusants à voir, tout comme la réaction qu'auraient les gens autour de lui.

Avant même m'avoir laissé le temps de répondre, il coupa ce silence par une exclamation : «Comme ça, on pourra faire connaissance!». J'arquai un sourcil à cette exclamation soudaine. Faire connaissance, vraiment? Décidément, cet homme ne me connaissait vraiment pas. Si je suis ici, à Black Rose, ce n'est aucunement pour me faire des amis ou des connaissances ou autres, mais parce que j'avais été obligé de venir. Alors, je n'avais absolument aucun plaisir à être ici. Cependant, si je n'acceptais pas son offre, je serais certainement prise à parler à une autre personne et recommencer ce bavardage inutile et j'en avais pas du tout envie. Puis, j'aimais bien le style vestimentaire de celui-ci, alors pourquoi refuser?

-Comme vous voulez, ça serait gentil de votre part.

Maintenant, voyons s'il connaît bien les lieux.